IMAGE ET MEMOIRE 2006

Publié le par Association Les 3 P.


Les Grecs évoquaient deux modalités d’accès à la mémoire : la mnémê, réminiscence involontaire d’un souvenir provoqué par une sensation retrouvée, ce qu’illustre bien l’épisode de la madeleine chez Marcel Proust, et l’anamnêsis, technique grâce à laquelle on cherchait à rappeler volontairement un souvenir. Ces modalités d’accès à la mémoire reposent toutes deux sur l’image, tant pour la rétention d’événements du passé que dans l’acte de leur restitution. Si les Grecs théorisèrent les premières techniques de remémoration reposant sur les images dans les Arts de la mémoire, Aristote évoquait déjà l’ambiguïté de ces figures que l’on convoque pour les « mettre sous les yeux ». L’imagination ne serait-elle pas une forme parallèle de la mémoire, voire une mémoire déviante ?

En dehors de la constitution personnelle d’une mémoire, l’histoire et l’identité des communautés se constituent également à travers ce que l’on appelle une mémoire sociale ou collective qui n’a alors pas grand-chose à voir avec le processus biologique individuel. Ce colloque devra donc définir les acceptations des termes image et mémoire afin de questionner les modalités de production, d’appropriation, de circulation des images susceptibles d’invoquer le passé, autant dans une démarche personnelle de création que dans la constitution d’une histoire commune à un espace social donné.

Mais aujourd’hui, qu'en sera-t-il de la mémoire visuelle individuelle ou collective que nous élaborons à travers la circulation et la transformation d’images désormais mondialisées ? La qualité même des images, qui jusqu’à présent entretenaient un rapport tangible et analogique avec le réel, est en train de devenir par sa constitution digitale d’une nature propre à modifier notre rapport au monde, à la mémoire et à l’authenticité. Cette distanciation qu’opère la pixellisation des informations visuelles et qui modifie aussi complètement l’accès à des banques de données totalement numérisées, aura-t-elle des conséquences anthropologiques, politiques ou culturelles ?

Enfin, la mémoire ne peut fonctionner sans l’oubli, comme des archives sans une sélection ou une collection sans des choix, aussi l’amnésie est-elle le passage nécessaire pour éviter le chaos d’une inflation d’images devenues ingérables. La perte des images, comme celle de la mémoire, vaut aussi bien pour la technique, les médias, l’histoire individuelle et collective mais dans ses excès, elle n’épargne pas non plus notre inconscient frappé de la hantise du « syndrome d’Alzheimer ».

La circulation des images comme une mémoire activant les processus de création ; les techniques de réactivation des images enfouies dans la mémoire ; le rôle des impressions visuelles dans la mémoire olfactive ; l’usage de l’image dans la constitution patrimoniale… en parallèle aux communications faites par des historiens d’art, anthropologues ou spécialistes du langage et de l’image, ce troisième colloque Icône-Image s’appliquera également à rapporter des expériences concrètes, en confiant aussi bien la parole à des artistes, qu’à un spécialiste du portrait-robot ou un sommelier, par exemple.


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